22 janvier 2024 Anarchie et anarchistes

"L'indépendance de pensée et d'expression que je rencontrai dans le Jura suisse m'interpellèrent d'autant plus fort ; et après quelques semaines passées auprès des horlogers, mon opinion était certaine : j'étais un anarchiste", Pierre Kropotkine 1877.
Désordres, film du réalisateur suisse Cyril Schäublin dont la famille travaillait dans l'horlogerie, a pour titre original Unrueh qui signifie "le balancier" (d'une montre) et aussi "l'émeute" en langue allemande.
Ce très beau long métrage aborde le travail de l'horlogerie dans le vallon de Saint-Imier en 1872, période charnière entre deux époques : les ouvriers se retrouvent progressivement dans des fabriques où s'installe le chronométrage de leurs gestes afin d'augmenter les cadences, les déposséder de leur savoir-faire, les rendant ainsi interchangeables.
Dans un atelier voisin, les ouvriers et ouvrières anarchistes organisés en coopérative lisent à tour de rôle les journaux pendant leur travail, échangent les nouvelles sur les luttes collectives et organisent la solidarité internationale par des caisses de grève. Ils appartiennent à une des 120 sections de l'Association internationale des travailleurs (AIT) en Suisse regroupant alors 10 000 adhérents et ayant un rôle essentiel dans le mouvement ouvrier international.
Des bâtiments du XIXè siècle, des costumes d'époque et de nombreux acteurs amateurs de la région, dont Michel Nemitz de la "Fédération libertaire des montagnes" en crieur public, reconstituent la vie quotidienne de ce petit bourg si particulier, où le mélange des langues, français, suisse allemand, russe, traduit la forte immigration dans le Jura afin de travailler dans l'horlogerie.
Alors âgé de 30 ans, Pierre Kropotkine membre de la Société géographique de Saint‑Pétersbourg, fait un premier voyage en Suisse en 1872. Dans le film, il se promène autour de Saint‑Imier pour établir une carte intégrant les noms de lieux-dits, ignorés par la carte officielle. On le suit dans ses promenades et ses rencontres de militants anarchistes, d'une ouvrière horlogère, d'une magnifique forêt voisine.
Il a aujourd'hui dirigé ses pas vers les studios de Radio Libertaire sous les traits d'Alexei Evstratov, qu'il a choisi avec bonheur pour jouer son rôle.