05 février 2024 Terre et radioactivité

Après avoir reçu Harry Bernas pour son ouvrage Les merveilleux nuages - Que faire du nucléaire ?, nous le retrouvons pour parler de L'île au bonheur - Hommes, atomes et cécité volontaire.
Dans ce livre se mêlent "bribes de sa vie", enchaînement des faits qui ont mené à Fukushima et chemins de scientifiques menant vers "un présent et une science lestés par la bombe".

Le projet Manhattan, lancé par Roosevelt, a permis à la Sainte-Alliance militaires, industriels et scientifiques de réaliser cette extraordinaire expérience scientifique "in vivo" sur le Japon, démontrant au monde la supériorité américaine. Quelques déclarations émerveillées après l'essai Trinity au Nouveau-Mexique : "Dieu a confié aux États-Unis de conduire le monde, la bombe est la baguette magique qui en garantira le succès", le physicien Arthur Compton ; après la "réussite" du largage de "Little boy" sur Hiroshima : "Ce que nous venons de faire est le plus grand succès de la science organisée, le président Harry Truman et "C'est le début d'un ère nouvelle. Cette découverte aura peut-être pour l'avenir de la civilisation une importance comparable à celle qui permit aux hommes de maîtriser le feu", le philosophe des sciences Paul Langevin.
Oppenheimer, directeur scientifique du projet, déclarera deux années plus tard :
"Un véritable scientifique estime qu'il est bon d'offrir à l'espèce humaine la plus grande puissance possible afin de contrôler le monde, de le gérer en fonction de ses lumières et de ses valeurs". En fait, il l'a remise entre les mains d'un tout petit nombre d'hommes de pouvoir.

Par la suite, certains conseillers, tel le "thin-tank" RAND, proposent de développer l'énergie nucléaire : "Se servir de l'atome dans un contexte domestique ou hospitalier le fera admettre sur le champ de bataille". Malgré l'avertissement du physicien Enrico Fermi : "Il n'est pas évident que le public acceptera une source d'énergie qui engendre autant de radioactivité et qui est susceptible d'être détournée pour fabriquer des bombes", le 8 décembre 1953 le président Eisenhower prononce son discours "Atom for peace" aux Nations Unies. En plus des États-Unis et de l'URSS, la France, la Grande-Bretagne et... le Japon vont se précipiter pour construire des réacteurs nucléaires, court-circuitant les études nécessaires pour en estimer la sûreté et le coût réel. Après le désastre de Fukushima, la Commission d'investigation parlementaire rappellera : "Ayant une foi aveugle en la puissance technologique du pays, nous avons échoué à mesurer le risque de construire des réacteurs nucléaires dans un pays sujet aux tremblements de terre".

Harry Bernas nous rappelle dans son livre qu'on est passé "de la cécité volontaire à l'aveuglement imposé" et qu' en matière de déni Fukushima ("Île au bonheur") rime avec Hiroshima.