Les transformations radicales d'une société sont un révélateur des contradictions internes qui la traversaient depuis longtemps et que le système social dominant s'efforçait de surmonter ou de dissimuler. Quand la crise commence à s'étendre, l'État tente par divers moyens de conserver le contrôle dans cette période de transition, qui semble stable pour beaucoup. La dernière étape, brutale, est marquée par l'effondrement des institutions en place.
Éric Martel, notre invité, a illustré ces étapes par l'exemple soviétique, "transition chaotique d'une société moderne qui peut le plus nous apprendre sur l'évolution de notre propre modèle sociétal".
La chute de l'URSS au début des années 1990 était déjà en gestation depuis plus de 20 ans. Pendant cette période, l'État ayant fait disparaître toute contradiction, la "réalité" présentait une fausse apparence de pérennité, confortée par l'affirmation partagée par beaucoup qu'aucune autre société n'était possible.
Les réformes libérales de la perestroïka ("reconstruction") menées par Mikhaïl Gorbatchev, qui semblaient annoncer un avenir prometteur, n'ont pas empêché la chute du mur de Berlin, la catastrophe de Tchernobyl et la disparition de l'Union soviétique.
Eltsine, désormais maître de la Russie en 1991, après avoir constaté les défaillances du libéralisme de son prédécesseur, met en place une société autoritaire au niveau institutionnel et social, marquée en 1993 par la dissolution du Parlement et l'adoption d'une nouvelle Constitution. Il s'assure une majorité en s'alliant au parti de Vladimir Jirinovski qui a pour programme : retour à un État fort, expansionnisme militaire, xénophobie...
Depuis le début des années 2000, Poutine accentue cette orientation ultra-nationaliste et annonce son intention de rebâtir la "Grande Russie". Un siècle après les réalisations et les espoirs de la Makhnovitchina détruits par l'armée rouge, la guerre actuelle en Ukraine en est un jalon.