"Il a été le peintre d'une époque. Son œuvre, c'est soixante ans de chroniques de la société française". Ces paroles ont été prononcées par Stanislas Nordey, fils de Jean-Pierre Mocky, à l'occasion de son enterrement le 12 août 2019.
Réalisateur, scénariste, adaptateur, monteur, acteur, producteur, distributeur, ce franc-tireur, cet enragé, ce bouillonnant, a notamment à son actif, en soixante-quinze ans d'activités, plus de soixante longs-métrages, dont plusieurs films-culte, et quarante épisodes de séries pour la télévision.
Cela méritait bien le livre de référence Jean-Pierre Mocky que vient de publier aux "Éditions Rouge profond" Éric le Roy, historien du cinéma, qui fut son assistant au début des années 1980 : il dédie son livre à "Jean-Pierre Mocky pour son amitié fidèle. J'ai eu la chance de croiser son chemin. Il a changé le cours de ma vie".
Agrémenté de nombreuses images, scènes de film, affiches, portraits de Mocky à diverses époques,
cet ouvrage s'appuie sur des témoignages de collaborateurs techniciens ou acteurs du "Mocky Circus", de documents parfois inédits, permettant de partager les passions de ce créateur-artisan, amoureux de la vie et du cinéma, qui a toujours su rester indépendant.
Il s'est intéressé à tous les genres :
la comédie avec Un drôle de paroissien, Les Compagnons de la marguerite, La Grande Lessive (!),
le drame avec Un couple, Le Témoin, Y a-t-il un Français dans la salle ?,
le polar avec Solo, Un linceul n'a pas de poche, Noir comme le souvenir.
Prenant le contre-pied de la mode, il utilise la farce, la satire, le grotesque. Il explique ses provocations : "C'est pour faire réagir. Je ne puis supporter la société telle qu'elle est aujourd'hui. Mes films sont la manifestation de ce dégoût, mais je ne crois pas être misanthrope. J'aime les vrais humains, ceux qui ne piétinent pas leur dignité".
Les cibles récurrentes de celui que certains appelleront l'anartiste : Église, État, politiciens, police, argent, hypocrisie, auxquels s'opposent des héros solitaires, marginaux, romantiques dont le destin est le plus souvent tragique.
Éric Le Roy montre à travers ses films et sa vie que "Mocky perçoit que la société est pourrie. Il le vit comme un malaise et s'en révolte. Les opprimés, les délaissés, les oubliés existent dans son cinéma, avec humour et insolence. Il rêve d'un monde meilleur, de liberté, d'améliorer la vie, de changer la société".
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