La semaine dernière (le 12 mai 2025), nous avons, entre autres, évoqué avec Juliette Duquesne le fonctionnement de la société zapatiste du Chiapas. Cette expérimentation est particulièrement intéressante, non seulement par ses réalisations, mais aussi par sa durée et l’évolution que celle-ci engendre.
Pour en avoir une petite idée, nous vous proposons un voyage temporel de 16 ans : le 13 avril 2009, nous recevions Rosaluz, qui avait vécu plusieurs années dans les communautés amérindiennes zapatistes et nous expliquait comment elles fonctionnaient (assemblées, consensus, délégués tournants...).
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12 mai 2025 Sous les pavés... la terre
Juliette Duquesne est une journaliste indépendante, spécialisée dans les enjeux économiques et environnementaux. Avec l’association ”Carnets d’alerte” elle participe à produire une ”information rigoureuse et vérifiée sur des thématiques cruciales et vitales pour l’humanité”, telles la faim dans le monde, les semences, l’eau, l’intelligence artificielle...
Elle vient de publier dans la collection ”Carnets d’alerte” Autonomes et solidaires pour le vivant, s’organiser sans l’autorité de l’État aux Éditions Le bord de l’eau. Trois ans d’enquête lui ont permis de rencontrer plus d’une centaine de personnes qui participent à des initiatives concrètes dans différents domaines : habitats partagés, coopératives, ZAD, associations, communes...
Sont expérimentés d’autres façons de vivre ensemble avec harmonie, de faire du collectif sans l’État, qui ”n’est pas la solution, mais fait partie structurellement du problème”.
Juliette Duquesne a séjourné au Chiapas et rencontré des zapatistes appartenant à plusieurs caracoles. Ils rappellent qu’ils sont ”le produit de 500 ans de luttes contre la colonisation, pour la défense des terres indiennes, contre la spoliation coloniale” et qu’ils sont ”des graines pour semer d’autres mondes”.
En 2005, il font connaître ”La Sexta”, un appel planétaire à s’unir et résister, à construire ses propres façons de vivre, loin de l’État et du capitalisme, avec sa propres culture, ses propres racines, sur ses propres terres.
Quand on les interroge, une réponse courante :
”Y tu qué ?” (Et toi, qu’est-ce que tu fais ?)
Dans son livre, elle souligne l’importance de ”relier les expériences actuelles à des courants historiques tels que l’anarchisme”. Elle cite Michel Antony : ”L’anarchisme a été vaincu sur le plan historique, mais les méthodes qu’il a promues sont utilisées aujourd’hui : action directe, occupation sauvages, ZAD...”.
Les prises de décision au consensus, l’utilisation de moyens cohérents avec la finalité, la fédération horizontale de collectifs de base sont souvent pratiquées, mais beaucoup ne connaissent pas l’histoire de l’anarchisme, notamment les collectivités paysannes et ouvrières de l’Espagne 1936.
”Il n’y a pas un sur cent”, mais les anarchistes sont des poseurs de mondes.
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05 mai 2025 Luttes sociales
Vive la sociale ! était le premier roman de Gérard Mordillat paru il y a plus de 40 ans. Depuis, de nombreux romans, essais et films se sont succédés, dont Les Vivants et les morts en janvier 2005, adapté à la télévision en 2010. Dans cette fresque sociale, un lointain groupe financier décide de se débarrasser d’une usine et de ses ouvriers. La petite ville de Raussel, dans l’Est de la France, soutient leur lutte pour la défense de l’emploi et de leur dignité.
Aujourd’hui, chacun peut constater que le capitalisme continue à semer misère et injustice : usines fermées, emplois délocalisés, villes sinistrées.
Que sont devenus Raussel, ses habitants, Dallas, Rudi, Lorquin, personnages principaux de la lutte ? Dans son nouveau livre Les Vivants et les morts, vingt ans plus tard Gérard Mordillat apporte la réponse.
La mairie est passée au Rassemblement National, le cinéma, les commerces ont fermé, le dernier médecin est parti, Property, entrepôt de vente en ligne concurrent d’Amazon, emploie encore quelques centaines de salariés.
Dallas et Rudi sont contraints de revenir s’installer à Raussel. ville fantôme dans un décor de neige et de verglas. Il sont hantés par la disparition deux ans plus tôt de leur fille Ève, qu’ils espèrent vivante. Ils sont confrontés au contexte social et politique actuel : travail en CDD ou intérim, auto-entreprenariat, difficulté de résistance collective, présence de l’extrême-droite utilisant violences et infiltration dans certains rouages de l’État.
Écrit au présent, le roman les accompagne dans de courts chapitres : rencontres, amitiés, amours et luttes en font des Vivants. Les Morts sont ceux qui se résignent, choisissent l’individualisme plutôt que la solidarité, trahissent en espérant sauver leur peau.
Même si Gérard Mordillat a pu parfois regretter qu’il n’y ait ”pas assez de révolte”, une phrase de son livre rappelle :
”Qui sème la misère récolte la colère”.
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