Thierry Maricourt est l’auteur de nombreux romans et essais, tel Histoire de la littérature libertaire en France. Il présente comme un ”coup de gueule” son dernier ouvrage : Words, Words, words ? Woke, woke, woke !, paru aux Éditions Noir & Rouge.
Il rappelle que sont apparues aux États-Unis dans les années 2010 la ”call-out culture”, dénonciation publique d’actes ou de propos considérés comme inadmissibles, suivie par la ”cancel culture” vouant les accusés à un ostracisme définitif.
Les petits groupes les pratiquant ont pris une importance grandissante avec l’addiction au numérique et aux réseaux sociaux, qui a profondément modifié les rapports entre les humains. Au point qu’un texte a été publié en 2020 par plus d’une centaine de signataires, dont Noam Chomski et Salman Rushdie, alertant sur ”un nouvel ensemble d’attitudes morales et d’engagements politiques qui tendent à affaiblir nos normes de débat ouvert et de tolérance des différences en faveur de la conformité idéologique”. Sont ainsi visés ceux qui font retirer des livres de la vente ou de bibliothèques, perturbent des représentations théâtrales, interdisent des rencontres ouvertes...
Le ”wokisme” a des origines afro-américaines dans les années 1960, appelant à la conscience des problèmes liés à la justice sociale et à l’égalité raciale, ce qui est tout à fait positif.
Mais, avec le temps, il est devenu un mot ”fourre-tout”, exporté en Europe depuis des universités américaines, exprimant une idéologie moralisatrice, sectaire et manichéenne.
Les différences liées à la race, le genre, l’âge... sont essentialisées, l’universalisme condamné. Les prolétaires auraient disparu, la lutte des races remplaçant la lutte des classes, ce qui réjouit fort les tenants du capitalisme.
Des ”sensivity readers”, appelés en France ”démineurs éditoriaux”, sont chargés par des maisons d’édition de censurer et réécrire des ouvrages ; des livres sont retirés des rayonnages, des conférences-débats annulées sous la menace, des enseignants molestés par certains parents.
La peur retient certains qui ne sont pas d’accord de prendre la parole.
Chacun doit rester chez soi, les Blancs avec les Blancs, les Noirs avec les Noirs, les homosexuels avec les homosexuels, les trans avec les trans...
Thierry Maricourt nous incite au contraire à vivre ensemble, nous rencontrer, discuter, les femmes avec les hommes, les musulmans avec les juifs, les vieux avec les jeunes...
Pour cela, égalité des droits entre tous, liberté d’expression et laïcité sont indispensables :
”Vous ne pouvez pas avoir une Société qui respecte la liberté de conscience, la liberté d’expression, les droits des femmes, les droits LGBT si vous n’avez pas au moins la laïcité”, Maryam Namazie, réfugiée iranienne, décembre 2013.
Dans son pamphlet, notre invité souhaite ”que chacun puisse être ce qu’il entend être, sans souci de genre, de sexualité, de couleur de peau”.
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14 avril 2025 Liberthèmes
”Ce que nous jouons c’est la vie”, ces paroles de Louis Armstrong font écho à celles de Nina Simone, une des plus grandes chanteuses de jazz et militante pour les droits civiques : ”Le jazz n’est pas juste de la musique, c’est un mode de vie, une manière d’être, une façon de penser”.
Cette phrase figure en exergue du livre Jazz & Franc-maçonnerie, une histoire occultée, dont l’auteur est notre invité Yves Rodde-Migdal, lui-même musicien et animateur de l’émission Jazzzlib’ sur Radio Libertaire.
Cette musique prend ses sources dans les chants de travail d’esclaves noirs, le ”bois d’ébène”, dans les plantations de tabac et de coton. Ses origines africaines se sont insérées dans l’environnement d’une société violente et ségrégationniste et ont accompagné les luttes d’émancipation des noirs américains.
La date du 26 février 1917 est une référence marquante car l’enregistrement réalisé à New-York par l’Original Dixieland Jass Band eut un succès phénoménal.
Aux États-Unis la franc-maçonnerie a été créée le 24 juin 1717, regroupant des hommes blancs d’horizons et de classes diverses. La franc-maçonnerie noire Prince Hall a été fondée à l’initiative d’un esclave affranchi de ce nom, le 29 septembre 1784.
Elle a eu un rôle important dans l’émergence d’une identité afro-américaine et a accompagné l’émancipation du peuple noir, notamment en participant à la création d’écoles, d’hôpitaux, de sociétés d’entraide, de diverses associations.
Beaucoup de jazzmen en faisaient partie et soutenaient ces initiatives, tels Louis Armstrong, Duke Ellington, Nat King Cole, Joséphine Baker, Count Basie...
Yves Migdal, pour qui ”le jazz est la plus belle musique qui existe sur cette planète”, rappelle qu’il ”a changé la face du monde musical” et en montre l’exemple en France, notamment après l’incorporation de soldats noirs américains dans l’armée française pendant la Première Guerre mondiale.
Dans les rues, les bars, les studios d’enregistrement, il n’a cessé de pratiquer l’improvisation, les ”défis musicaux” entre musiciens, d’introduire de nouvelles harmonies, d’intégrer de nouveaux instruments, notamment par l’usage des basses (batterie, contrebasse), de la lutherie électrique...
En 2011 l’Unesco classait le jazz dans le patrimoine mondial.
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07 avril 2025 Liberthèmes
Notre invité, le producteur français Philippe Diaz, installé à Los Angeles, a réalisé plusieurs films à caractère social et politique. En 2003, il a créé ”Cinema Libre Studio”, une société proposant un circuit alternatif de production et de distribution de films indépendants aux États-Unis.
Il est venu quelques semaines en France pour accompagner la sortie de son film I AM GITMO, fiction inspirée de faits réels montrant pour la première fois la torture par des agents de la CIA et de l’armée américaine au camp de Guantanamo. Les prisonniers, innocents pour la grande majorité, avaient été vendus à la CIA pour une prime, suite au 11 septembre : Donald Rumsfeld, ministre de la Défense, avait fait distribuer des tracts en Afghanistan disant : ”Amenez-nous un terroriste, nous vous donnerons beaucoup d’argent”.
De nombreuses scènes sont vues du point de vue du personnage principal, enlevé à sa famille et torturé pendant des années : ”Je souhaite que les spectateurs se posent la question de savoir comment ils réagiraient s’ils se trouvaient dans cette situation ; j’espère que le sort de ces hommes concernera un plus grand nombre de gens que ce n’est le cas aujourd’hui”.
Il écrit également des scénarios, dont les plus récents ont fait l’objet d’un livre : Ouvrier, Prends la machine et Jean Meslier, Curé, Athée, et Anarchiste pour le XXIème siècle, qu’il a présenté dans quelques librairies, dont la Librairie du Monde Libertaire, Publico.
C’est ce dernier ouvrage, sorti tous récemment chez L’Harmattan, qu’il présente dans notre émission. Jean Meslier, curé du petit village des Ardennes Étrépigny laissa après sa mort en 1729 trois exemplaires de son Testament, 1 000 pages écrites la nuit à la lueur d’une chandelle.
Philippe Diaz en a fait un condensé pour le rendre plus lisible, car ce premier traité sur l’athéisme comporte aussi des espoirs en une future révolution amenant une nouvelle société :
”Il serait juste que les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec les boyaux de prêtres”
”Vous devez vous unir pour secouer entièrement le joug de la tyrannique domination de vos rois et de vos princes. renversez partout les trônes d’injustice ! Brisez toutes ces têtes couronnées”
”Je voudrais faire entendre ma voix d’une extrémité de la terre à l’autre”.
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