Jean-Marc Royer a entamé en mars 2022 ses Carnets de Guerre, essai d'histoire immédiate afin de décrire et analyser l'évolution de la situation après l'agression russe en Ukraine. Le numéro 14 intitulé "Du goulag polaire aux sous-sols d'une centrale nucléaire" vient d'être publié, deux ans plus tard.
Ils peuvent être regroupés entre quatre rubriques :
- Les antériorités de la guerre d'agression
- La Russie de Poutine, ses idéologues et ses suppôts
- Les dimensions nucléaires de la guerre
- La guerre que le peuple ukrainien affronte
Sur ce dernier point qui traite de l'actualité, Jean-Marc Royer resitue la guerre d'usure imposée au peuple ukrainien dans un cadre géopolitique qui montre les États-Unis s'en désintéressant progressivement et l'Europe n'ayant pas les moyens militaires de prendre la relève.
Dans la période actuelle, on doit s'interroger sur la redistribution des rapports de force en cours entre impérialismes.
Depuis l'effondrement du capitalisme d'État soviéto-stalinien, "la contre-révolution néolibérale est devenue internationalement dominante". La nature du pouvoir et le mode de gouvernement évoluent et le dégoût pour le "sérail politicien" classique se traduit par la montée en puissance de clans représentés par Bolsonaro, Poutine, Milei, Modi, Trump... dont les choix politiques sont difficilement prévisibles et risquent d'entraîner de graves conséquences pour les populations de nombreux pays.
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11 mars 2024 Anarchie et anarchistes
Sylvain Boulouque, historien spécialiste du communisme, de l'anarchisme et du syndicalisme a publié récemment Meurtres à la Grange-aux-Belles - Quand les communistes flinguaient les anarchistes.
À l'occasion du centième anniversaire d'un événement où "pour la première fois en France des ouvriers ont tiré sur d'autres ouvriers", causant la mort de deux anarchistes et plusieurs blessés graves, il présente de nombreux documents permettant de reconstituer ce qui s'est passé le 11 janvier 1924 lors d'un meeting appelé par le Parti communiste dans la grande salle du siège de la CGTU (Confédération générale du travail unitaire) à Paris : témoignages, rapports de police, articles de l'Humanité (organe officiel du PCF) et du Libertaire (alors quotidien).
Cet épisode sanglant intervient dans une période particulièrement conflictuelle dans le mouvement ouvrier :
Sur le plan politique, au Congrès de Tours de décembre 1920, une majorité de membres de la SFIO créent la SFIC (Section française de l'Internationale communiste) liée au Komintern (Internationale communiste), entérinant un alignement inconditionnel sur la politique décidée à Moscou.
Sur le plan syndical, la bolchévisation de la CGTU est confirmée à son IIè congrès à Bourges où est votée l'adhésion à l'ISR (Internationale syndicale rouge) inféodée au Komintern, malgré l'opposition de la minorité syndicaliste révolutionnaire.
Ainsi l'utilisation de la violence par les communistes résonne fortement avec les connaissances qu'ont les anarchistes de la réalité de la dictature bolchevique sur le prolétariat russe, notamment à Kronstadt et en Ukraine.
Par la suite, beaucoup de syndicalistes libertaires vont quitter la CGTU, ce qui accentuera encore la main-mise des communistes sur le syndicat. Les coups de feu tirés à la Grange-aux-Belles y ont certainement joué un grand rôle. En rappeler le déroulement est d'autant plus important que la vérité à longtemps été occultée par les mensonges, le journal L'Humanité par exemple accusant du crime des provocateurs qui, "sous le masque de l'anarchie ouvrent la voie au fascisme"...
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04 mars 2024 Liberthèmes
"Moins que jamais l'école n'est le lieu de l'émancipation individuelle. On y apprend le rendement, l'adaptabilité, la mise sous pression : au lieu de têtes bien faites, la taylorisation des neurones". Cette phrase figure dans La déconstruction de l'école - Journal d'un enseignant français 2021-2022, ouvrage de Renaud Garcia, professeur de philosophie "par vocation". Il constate l'obsolescence programmée d'un métier qui repose à l'origine sur la relation vivante avec les jeunes.
L'accélération s'en fait particulièrement sentir dans la période récente, facilitée par la gestion étatique de la Covid et par la religion du numérique. Ceux qui résistent sont des perturbateurs, pour l'administration comme pour la majorité des élèves et de leurs parents.
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation pendant 5 ans, a été un "officier zélé de la technocratie en marche".
Pour le bac, l'importance d'options de spécialités, dont les résultats sont connus en mars, limitent l'intérêt des élèves aux six premiers mois, l'obsession de la note étant devenue prégnante avec le rendez-vous incontournable avec le logiciel Parcoursup. L'angoisse des élèves et de leurs parents est d'autant plus grande que les algorithmes gérant la sélection des demandes sont secrets et peuvent varier d'un établissement à l'autre. Après plusieurs années d'utilisation, un sondage montre qu'une forte majorité le jugent stressant, injuste et inégalitaire.
Le fond d'investissement Educapital signale que l'enseignement scolaire est le marché ayant le plus gros potentiel en France. Parmi les innovations auxquelles doivent se soumettre les professeurs :
le logiciel Santorin qui impose sur écran une correction des copies scannées ;
le logiciel Pronote où est saisie en direct la vie scolaire : notes, absences, emplois du temps, cours en ligne..., obligeant une consultation régulière sur écran induisant inquiétude des élèves, conflits professeurs-parents, espionnage par l'administration ;
le logiciel Pix permettant d'évaluer et d'améliorer son "profil Pix", reflet de sa maîtrise du numérique.
Renaud Garcia nous rappelle plus largement que "les dernières innovations technologiques entrant dans le champ des espaces numériques se diffusent comme un long poison inodore".
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